Un dénouement plutôt inattendu.

Captivé par le dessin animé, la pizza et mon jus, je sursaute quand la boite de céréales commence soudainement à bouger de quelques millimètres sur la table sous mes yeux. Et après m'avoir fait tous les films imaginables, je réalise que la boite est pas hantée et que mon portable est simplement enterré dedans. Fichu vibreur. J'allais dire à Nam Sun que mon coeur a failli sauter de ma poitrine à cause de lui, mais il parle un peu plus vite. «  Dan Il, tu es dans la coin ? Il faudrait que tu me rejoignes au K-MART de Hongdae, il faut qu'on parle de...ton comeback de la semaine prochaine et de ton... apparition...chez... Sora produc..tion ? Dix minutes.  » Quand il raccroche, je regarde mon téléphone en fronçant les sourcils. Le Nam Sun calme et réfléchi est toujours pas de retour, hein. Je suis pas le plus intelligent, mais j'ai un coeur. Et ce coeur est tombé en miettes depuis qu'une belle dépression semble avoir franchi sa défense. Je culpabilise, parce que ça se voit que les choses se sont pas arrangées avec Eun Hee, et que c'est en partie de ma faute.

Vu comment il est, j'ai préféré attendre que ça se tasse ou qu'il soit prêt à parler. Le moment est peut-être venu, parce que je le vois mal m'inviter dans une supérette pour parler de mon comeback. J’attrape ma veste et le rejoins vingt minutes après son appel, malgré mes efforts. «  Eh bien si, je l'ai fait...  » J'attends qu'il finisse sa phrase, enlève ma casquette et mes lunettes, et m'approche lentement, constatant les dégâts et me demandant quel rapport ces fleurs peuvent avoir avec de l'alcool, ou avec moi.

« Euh, les fleurs c'est pour moi ? » je pense à voix haute, même si je me doute qu'il m'a encore piqué les cadeaux envoyés par les fans. Je prends place en face de lui, et l'évalue du regard, apparemment il s'est pas réconcilié avec Morphée, puis mon regard vagabonde entre le bouquet de fleurs et la bouteille de Soju. « Aah je vois... tu as essayé d'arranger les choses avec elle, avec des fleurs et tout mais ça a pas marché, alors tu veux boire. Je suis désolé... mais tu sais, ma mère dit que lorsqu'on cuisine et qu'un aliment tombe au sol, il faut le replonger dans la casserole au lieu de le jeter. N'abandonne pas, ok ? » je me penche un peu en avant pour lui tapoter l'épaule, croyant à ce scénario qui me semble cohérent.

« Ce n'est pas vraiment ça en fait... Je ne sais juste pas quoi faire. Boire ? Ou aller la voir avec des fleurs ? » Ah, c'est ça alors... je me gratte un peu la tête, hésitant. Lorsqu'on veut faire le point sur sa vie sentimentale, il vaut mieux pas chercher conseil auprès du type qui a trois copines et deux amants. Je suis assez surpris. « Tu dois être surpris. Que je te demande conseil alors que t'étais probablement en train de regarder la télé, pas vrai? Je suis étonné que tu ne sois pas venu en robe de chambre d'ailleurs.  » Qu'est-ce qu'il me connait bien... on dirait qu'il parle en vérifiant quelques enregistrements de surveillance. Je fais la moue et me hâte à cacher le col de mon pyjama. « Robe de chambre, pfft, sois pas ridicule...  »

Mais c'est pas marrant, si lui s'en amuse pas. Je n'oublie pas ses questions, cela dit. J'ai juste pas de réponse, là tout de suite, alors je le laisse parler. Ouai, pour une fois, je préfère me servir de mon cerveau avant ma langue, de peur de le ramasser encore plus à la petite cuillère. «  J'ai toujours vécu tout seul, alors pourquoi c'est difficile d'être seul, là hein ? Ça n'est pas logique.  » Argh, mon coeur saigne. Mais je pense qu'à ça, j'ai une réponse qui me parait logique. « T'étais peut-être seul et ça t'a arrangé... mais t'as aussi eu quelqu'un qui t'attend chez toi tous les jours, qui te fait penser "merde, elle va me tuer" quand t'es en retard, qui se met à psychoter quand tu attrapes une simple grippe. Quelqu'un qui a ton mode d'emploi, et à qui tu penses en premier quand tu veux partager quelque chose... après ça, c'est difficile de re-goûter à la solitude. »

Il va penser que son appart est truffé de micros et de caméras, mais en fait - c'est assez embarrassant - je me base juste sur les moments passés avec ma mère. Je suis sûr que les femmes agissent pas trop différemment les unes des autres, quand elles aiment quelqu'un. « Tu ferais mieux d'oublier un peu la logique pour une fois, car elle est généralement absente quand il s'agit des sentiments. Eun Hee est pas ton type de fille idéal, je me trompe ? Alors logiquement, vous êtes même pas censés être ensemble. Tu vois ? » Je sais que ça lui est pas inconnu, mais il a pas l'air de réfléchir clairement ces derniers temps, ce que je peux comprendre. Je m'accoude à la table et le regarde dans les yeux. « Je comprends pourquoi tu veux aller la voir avec des fleurs, mais qu'est-ce qui te décourage au point de vouloir boire ? » je demande en regardant la bouteille. Heureusement qu'il s'est décidé à manger des nouilles au lieu de s'attaquer au soju. Au moins, tout ce qu'il risque s'il en abuse, c'est de ne plus rentrer dans un pantalon.

C'est étrangement bien dit hein ? On en reparlera si un jour je veux avoir mon propre talk-show. En attendant, je tente de me convaincre que ce niveau d'éloquence est tout à fait habituel. Je sais pas si je dois être flatté par le compliment, ou vexé de passer pour un clown en temps normal. Mais ça signifie que je m'y prends bien, et j'en suis content. « Mais tu as raison je pense que c'est ça. Elle me manque. C'est bizarre, parce que décrit comme tu le fais, c'est plus fatiguant qu'autre chose... Mais pas seulement.  » C'est bien les filles, ça. Elles sont fatigantes.

En essayant de le convaincre que la logique n'a pas son mot à dire dans cette histoire, je réussis à le faire croire que c'est peine perdue. Je soupire, qu'est-ce que je viens de dire à propos de la nourriture tombée au sol ? « Non non, je veux dire que tu devrais te servir un peu moins de tes neurones, et plus de ton coeur dans cette situation. Du fond du trou, on a un regard assez clair sur les choses, en plus. » C'est dire qu'il doit être en mesure de répondre à ses questions, contrairement à ce qu'il croit.

«  Je sais pas, je crois que j'ai peur d'avoir tout raté avec elle. Ou si j'y vais là, qui dit que je ne vais pas juste encore empirer les choses ? C'est assez effrayant de n'avoir de contrôle sur rien. Je dois faire quoi ? Et si c'était trop tard ? Hein ?  » J'ai envie de lui dire que celui qui ne tente rien n'a rien mais la dernière question m'oblige à me figer, les yeux grands ouverts. On dirait que je viens d'avaler son bol de nouilles d'un seul coup, les baguettes chinoises comprises. Je laisse s'égrener de longues secondes avant de soupirer. « Ecoute, pour avoir vécu l'impuissance et la culpabilité, je sais très bien quand c'est vraiment "trop tard". Et si j'ai appris une chose, c'est d'aimer les gens et de le leur dire tant qu'ils sont là. Pourquoi tu t'infliges tout ça alors que Eun Hee est toujours dans ton périmètre de vie habituel, et qu'elle attend probablement un appel à cet instant ? Les remords, ça pue. Alors prends tous ces risques et lance-toi. »

Je m'adosse à ma chaise, je déteste vraiment faire allusion à mon amoureuse perdue, mais si ça peut l'aider... pour moi, tant que l'électrocardiogramme n'affiche pas un grand trait en travers de l'écran, ce n'est pas trop tard. « A moins que tu penses être plus heureux en solo, tu te réhabitueras sans doute à la solitude. Je vais pas t'empêcher de boire si c'est ce que tu préfères. » J'ai peut-être l'air de m'en foutre, mais c'est limite si je vois pas passer chaque millième de secondes, tellement sa réponse est importante. Il devrait connaître sa copine mieux que ça, je parie que si ses paroles étaient adressées à elle et pas à moi, les choses se seraient arrangées.

« Mais je sais pas faire ça moi...  » Peu surprenant, il doit être du genre à avoir un programme pour chaque heure de la journée, il sait ce qu'il doit faire et pourquoi. Mais il est temps de goûter à quelque chose de nouveau. « Tu penses vraiment que je peux le faire Dan ? Je suis carrément perdu avec tout ça. Je ne veux pas la perdre de mon périmètre de vie habituel, oui, mais je suis incapable de faire quoi que ce soit de mes deux mains. Si je me lance sans réfléchir, j'ai peur de foncer dans le mur...  » Je soupire à nouveau, parfois il faut vraiment prendre des risques, je le fais tout le temps et je suis pas encore mort.

Je me penche un peu en avant et l'attrape par les épaules. « Nam Sun, je dis ça seulement parce que je t'aime : c'est quoi qui tourne pas rond dans ta tête ?! » je finis ma phrase tout en le secouant fortement. « C'est un rendez-vous avec quelqu'un qui te comprend, pas une épreuve où tu devras te défendre devant un jury aux principes à deux balles. Aie un peu plus confiance en "vous" ! » C'est pas comme si elle fera tout pour déclencher la troisième guerre mondiale, ma mère dit que les femmes, c'est comme une paire de cuisses de poulet : elles sont douces et délicates. Il faut juste savoir leur parler. Puis, au bout du chemin, il y a l’espoir de passer une nuit de plus de 4 heures avec une jolie fille dans les bras. Il y a de quoi se motiver. 

Ma voix est loin d'être coléreuse, je le lâche et m'adosse à ma chaise. Evidemment qu'il réfléchit trop. A sa demande j'hoche la tête. « Oui, d'accord. » Je le quitte pas des yeux pendant qu'il envoie le message, rassuré. «  Dans vingt minutes...  » J'hoche à nouveau la tête, et constatant qu'il a pas l'air plus détendu, je propose : « Tu veux qu'on fasse des "répétitions" ? Tu fais comme si j'étais ta copine, ça t'aidera à améliorer ton discours et tout. Bien sûr, l'offre reste valable si un jour tu veux t'entraîner à la redemander en mariage. »  Le pire, c'est que je plaisante même pas, bien que je sache que je nous mets dans une situation plus que bizarre. Je m'accoude à la table, plaçant une mèche de cheveux imaginaire derrière mon oreille dans un geste qui se veut élégant. Puis je plonge mon regard dans le sien. « Alors, Nam Sun, pourquoi tu m'as fait venir ici ? » 

Il m'en faut pas beaucoup pour baisser les bras quand je comprends qu'il pèse le pour et le contre comme des pièces d'un dossier judiciaire. Je prends conscience que tout ce que je peux dire ne l'aidera pas plus que ça, et que c'est pas en me parlant, à moi, qu'il retrouvera sa sérénité. De toute façon, j'ai épuisé mon savoir, lui donner davantage de conseils en amour alors que j'ai plus de chances de finir ma vie avec une pizza congelée plutôt qu'avec une vraie femme, est pas l'idée du siècle.

Non, selon moi, avoir des dialogues de couple avec lui est une meilleure idée. Tant pis si je passe encore pour un gay refoulé. L'avantage d'être un acteur c'est que j'ai l'habitude et que je me suis pas – beaucoup – retenu de rire. «  J'ai été bête, alors j'aimerai que l'on reparte sur de bonnes bases. J'ai fais une erreur et je regrette de t'avoir fait de la peine... Puis j'ai réagi de manière trop exagéré l'autre fois, tu crois qu'on pourrait nous donner une autre chance ? Je pense qu'on en a le droit... Non ? » Si c'était moi sa copine, il aurait déjà à nouveau quelqu'un à câliner. Me prêtant au jeu, et ne pouvant pas faire dans la modération pour changer, j'attrape son poignet et réponds tout doucement : « Oui... je suis aussi désolée. Je veux bien qu'on reparte à zéro, j'ai besoin de toi... par contre, espère pas que je t'embrasse pour couronner le tout. »

Le sac de - je pourrais le jurer - dix kilos que je me mange m'empêche de rigoler. On dirait que la vieille dame qui m'agresse a vidé la vitrine des bonbons avant de nous espionner. « Vous devriez avoir honte de vous ! » Je m'excuse en me frictionnant la tête pendant qu'elle reparte, c'est vrai que la scène était vraiment bizarre. Mais pourquoi c'est pas lui qu'elle a tapé... «  C'est inutile, je vais lui dire comme ça viendra et puis c'est tout... Hein ? Il est bientôt l'heure en plus.  » J'hoche la tête après avoir jeté un oeil sur l'horloge, c'est bien la mentalité dans laquelle il faut le faire. « Allons-y. Je suis sûr que ça se passera tellement bien que vous m'oublierez dans la pizzeria pour aller passer une bonne soirée ensemble. » Ou que la bouteille sera finalement vidée au cours d'un repas entre amoureux, les fleurs décorant la table. Ma voix se veut encourageante, mais au fond de moi, je sais que j'ai raison.

Il neige et il y a peu de gens dehors, pas besoin de mettre mes lunettes. Par contre, je sens mon estomac se serrer alors que je suis plutôt optimiste. Je prends une grande inspiration sans rien lui dire, ignorant d'où ce soudain sentiment d'anxiété provient.

« Malheureusement, je suis dans l'obligation de noter que ça finit souvent comme ça, avec toi.  » Je souris. C'est pas faux, je suis un vrai paratonnerre à problèmes, mais j'ai eu le temps de m'y faire. C'est avec ce même sourire que je quitte la supérette, ayant toutes les raisons de croire que la journée aura une fin heureuse, et pas seulement parce qu'il m'a promis une pizza.

Avec tous ces nuages, on dirait qu'il fait déjà nuit, pense-je en contemplant le ciel. Quand je regarde devant moi, mes yeux tombent sur un groupe de spectateurs qui me laissent scotché sur le trottoir. C'était encore une super idée d'enlever mes lunettes. Interpellé par la voix de Nam Sun, ainsi que l'image inquiétante de la voiture qui s'approche dangereusement de lui, je lui crie de faire attention avec la tête de quelqu'un qui sait qu'une grenade lui explosera au visage dans cinq secondes. La vision de l'accident m'est pas supportable, mais mes yeux exorbités insistent pour en être témoins.

Il a été imprudent pour une fois, et le malheur a été immédiat. Il me semble soudainement que je perds appui sur mes pieds, ma raison vacille elle aussi. Puis la panique réussit son assaut et un sursaut d'énergie me permet de le rejoindre puis de m'agenouiller à ses côtés. Mon premier réflexe est de pronostiquer que son coeur s'est pas arrêté, avant de parcourir son corps des yeux. « Dan.. Dan Il.. ?  » Je m'approche de lui pour répondre d'une voix tremblante : « Je suis là, je suis là... c'est bien, t'as pas perdu la mémoire...  » Mon expression faciale dit plus sur ma douleur que n'importe quelle crise d'angoisse bruyante. La sang me rappelle que j'ai pas une seconde à perdre : je sors mon portable, mais me fige devant l'écran, me maudissant de ne pas avoir fait plus attention à l'école primaire, lors du cours sur la sécurité et les préventions. « C'était 911, ou 119... ? »

Je finis par demander à une inconnue d'appeler les urgences, posant une main tremblante sur le bras de Nam Sun avant de regarder le chauffard affolé à nos côtés. « Je vous jure que s'il lui arrive quelque chose... » Je m'efforce de sourire mais il en résulte qu'une grimace hideuse. J'ajoute avec le plus d'assurance possible, ma voix s'étant radoucie : « Tout ira bien. Accroche-toi, t'as une promesse à tenir... »

L'instinct humain est fiable à 70%. Ce pourcentage m'effraie, parce que comme je l'avais dit à Hae Myung, j'ai vraiment un très mauvais pressentiment depuis un moment. Entre ma fréquence cardiaque souvent élevée et les cauchemars que je fais toutes les nuits, je me dis que quelque chose va sûrement me tomber dessus. Je suis constamment inquiète et mal à l'aise, et pas seulement parce que mon lit me semble si froid en l'absence de Nam Sun. Toute ma vie, j'ai cherché à devenir quelqu'un qui n'a besoin de personne, mais à chaque fois qu'il est pas là, il me prouve que ce n'est pas possible. Il occupe chaque recoin de mon esprit, et je sais pas comment lui dire qu'il me manque, trouvant que même ce mot est un pauvre euphémisme.

Si je ne suis pas allongée sur le sol de mon salon après avoir vidé ma septième ou huitième bière, c'est seulement grâce à Hae Myung. Je me démène pour me changer les idées, ne serait-ce qu'en échangeant des textos avec lui. Je pense d'ailleurs que c'est encore lui quand mon portable se met à vibrer, mais ma joie se double d'espoir car, peut-être, qu'on va enfin pouvoir reprendre nos vies en main, avec Nam Sun, vu qu'il veut me voir.

Je sens plus mes jambes quand j'arrive devant une supérette, ne tenant pas à être en retard. Mais à cause de la visibilité réduite et des rues glissantes, j'ai préféré laisser ma voiture où elle est. Je m'arrête un instant devant un groupe de spectateurs qui parlent d'un accident, les expressions horrifiées. Ne supportant pas la vue du liquide rouge, je préfère m'éloigner en fixant la route devant moi et rien d'autre. Sauf que le cri d'une groupie de première catégorie parvient à mes oreilles, et à l'entente du nom de Dan Il, mon coeur fait un grand saut dans ma poitrine. Jamais je me suis doutée que les hurlements qui se multiplient soient liés à quelqu'un que je connais.

Du coin de l'oeil, j’aperçois une silhouette, une main puis entrevois un visage. Mes yeux se font billes et je dois m'accrocher au bras d'une fille à ma droite pour rester debout. Mon coeur, mes pensées et mes yeux sont bouleversés. « Nam Sun !! » Je crie ça tellement fort que c'est un miracle si les passagers n'en perdent pas l’ouïe. Je me faufile entre eux et me laisse tomber à quelques millimètres de Nam Sun. Ça ne peut être comme ça que je le revois après tout ce temps où l'on a été séparés.... Pleurant à chaudes larmes, je le redresse légèrement, laissant sa tête prendre appui sur mes bras. Geste que je regrette tout de suite, craignant de lui avoir fait mal. « Nam Sun... Nam Sun, chéri, tu m'entends ? » "Je viens de t'appeler chéri sans le vouloir, tu veux pas râler un bon coup ? Hein ?" pense-je à ajouter, désespérée.

Le sang sur mes mains est la preuve que l'impact était conséquent. Si je pouvais, je ferais tout pour changer de place avec lui, n'osant pas imaginer sa douleur. « Je suis désolée, si désolée. » je dis après avoir vu les fleurs dans sa main, toujours sur un ton larmoyant. Je le serre un peu contre moi, n'arrêtant pas de pleurer et le regardant comme si j'attendais la fin du monde.

Le fait que même un hochement de tête semble douloureux pour lui me plonge dans une peine impuissante. Je couvre la main qu'il pose sur ma joue de la mienne, avant d'essuyer à mon tour ses larmes qui se teintent de sang. Fébrilement, je saisis le bouquet de fleurs, les yeux écarquillés. «  Tout i-i-ra bien...  » Je le serre contre ma poitrine en approchant mon visage le plus possible du sien, les mains toujours agitées, tenant à m'assurer que sa respiration s'est pas arrêtée. Cet idiot, il pense toujours aux fleurs et à me rassurer alors que même le poids de ses paupières doit l'épuiser. « Oui... mais reste avec moi, Nam Sun, je t'en prie. » je réponds, ne pouvant toutefois l'empêcher de s'endormir.

Quand les ambulanciers arrivent, je le lâche à contre-coeur et reste pétrifiée d'horreur. Je connais Nam Sun depuis qu'il avait 13 ans, mais jamais je ne l'avais vu pleurer. Il est si pâle, on dirait que tout son sang s'était déjà retiré de ses veines. Je rate pas un geste de ce qu'ils font, et les rejoins quand on me dit que c'est possible. A l'entente d'un faible "hey", je me retourne vers Dan Il. « Il est coriace, il s'en remettra... » J'hoche simplement la tête avant de monter dans l'ambulance, il a l'air sûr de lui-même mais je le vois nous tourner le dos et devine au tressaillement de ses épaules qu'il fond en larmes dès que l'ambulance démarre.

Une fois à l'hôpital, je vois les médecins l'éloigner en pressent le bouquet de fleurs contre mon coeur. Mon esprit est dévoré d'inquiétudes, et j'expérimente ce que c'est que de devoir confier la personne que vous chérissez le plus aux inconnus, de n'être capable que de prier silencieusement en vivant l'enfer d'attente. Tout le monde me dit de rester optimiste, mais je doute que le pouvoir de la pensée positive puisse changer quoi que ce soit au fait que Nam Sun s'est fait heurter par trois tonnes d'acier. Minute par minute, je me fais tous les scénarios possibles, envisageant les pires des éventualités tandis que mes yeux se baladent entre ces satanés murs et le ciel, c'est-à-dire les néons.

Je peux enfin prendre une bouffée d'oxygène pour parer à mon apnée interminable, quand le médecin vient me voir après ce qui me semble être de longues heures d'attente. Il me dit que Nam Sun n'a pas encore repris conscience, et qu'ils attendent quelques résultats mais que je peux déjà le voir et je me déplace, pénétrant lentement dans la pièce. Les bandages, les machines, le visage de Nam Sun... je ferme les yeux, anéantie, mais reprends un semblant de force et m'assois sur une chaise. Je prends sa main dans les miennes et, après l'avoir contemplé, y appuie légèrement mon front en refermant mes yeux, arrêtant enfin de pleurer. C'est plus facile de patienter quand je l'entends respirer. « Les fleurs sont vraiment très jolies. » dis-je plus pour moi-même, sachant qu'il est encore inconscient, tout en regardant les fleurs sur mes genoux. Je continue de murmurer : « Tu sais encore la cravate à motifs d'avions qui a disparu ? J'ai dit que je l'avais pas vue, mais la vérité c'est que le chat y avait renversé de la soupe, et j'ai pas pu nettoyer ça alors on s'en est débarrassés. Je suis désolée de t'avoir menti. Vraiment. » C'est mon seul mensonge, mais vu la situation, j'ai l'impression de mériter de pourrir en prison pour ça. L'infirmière qui doit penser que j'ai perdu la tête tourne les talons en secouant la tête. Alors qu'en fait, plein de souvenirs me passent actuellement par la tête, et j'essaie de m'y concentrer pour m'aider un tant soit peu à ne pas devenir folle.

Quand la vie nous lâche d'une main, elle nous rattrape d'une autre. En l'occurrence, Nam Sun a été dispensé d'une plus grande souffrance, et est resté en vie. J'ai du mal de voir le côté positif d'une chose aussi affreuse qu'un accident, mais rien que le fait de voir sa poitrine se soulever me préserve du désespoir. J'ai donc bredouillé quelques mots, le cerveau en miettes, et ne tarde pas à avoir une réponse. En pressant ma main, il me fait lever la tête précipitamment, les yeux grands ouverts. « Je n'aimais pas cette cravate Eun Hee, tu n'avais pas besoin de me le cacher, tu sais... Je suis là, tu vois ? Tout va bien, je suis là, avec toi, je suis là oui...  » Oui, il est bien là, les yeux ouverts et souriant même. Je me pince les lèvres et hoche la tête tandis que les larmes resurgissent, faisant fi de mon envie de me jeter sur lui et ses côtes cassés. Je me contente alors d'embrasser sa main avec hargne en pleurant, comme pour le remercier.

«  Je suis désolée, tellement. J'ai rien vu venir, je voulais qu'on se parle encore... Ça ne pouvait pas se terminer ainsi, hein ?  » Je secoue la tête, ne tenant pas à ce que l'image d'une voiture qui lui fonce dessus comme un train de marchandises me revienne en pensée. « T'excuse pas, t'as pas à être désolé. » Avec toute la douceur dont je suis capable, j'embrasse son front sans lâcher sa main. Je souris après avoir séché mes larmes. « Tu penses qu'une personne qui a dit au médecin qu'elle était ta femme a envie de mettre une fin à cette relation ? » C'était plus parce qu'on autorise à la proche famille de le voir dans ces circonstances, et que légalement je suis rien pour lui. Mais j'avoue que j'avais répondu spontanément, quand on m'a demandé qui je suis. J'essuie doucement ses larmes. « Comment tu te sens ? Tu as besoin de quelque chose ? »

Soudain, la porte s'ouvre, dévoilant l'infirmière qui demande la permission de faire entrer quelqu'un. Bien sûr que Dan Il se pointe à l'hosto. « Nam Sun, tu vas bien ? Tu te souviens de moi ? » Il s'approche rapidement en soupirant, rassuré. A voir sa tête, on comprend que le pauvre a cru mourir d'inquiétude à chaque feu rouge croisé sur le chemin. Désolé, il ajoute, tout bas : « Je serais venu un peu plus tôt mais je me suis perdu dans le service gynécologique et je suis tombé sur les genoux d’une femme enceinte souffrante dans un fauteuil roulant... comparé à elle, t'as l'air en parfaite santé. » Il grimace, restant debout, les yeux rouges. « Je peux faire quelque chose pour toi ? »

« Ils acceptent les visites, quand c'est de la famille seulement, n'est-ce pas ?  » Je lui réponds par un doux hochement de la tête. Si j'avais dit que j'étais son ex-femme, on aurait cru que mon premier souci serait de le priver d'anti-douleurs, plutôt que de me rassurer. « Au fait... tes parents vont pas tarder à arriver. Je me suis sentie obligée d'appeler ta mère. » je dis ça avec hésitation, sachant qu'il veut pas que quiconque s'inquiète pour lui. Mais il fallait s'attendre à tout... et ils doivent savoir que tout va bien maintenant, en rappelant l'hôpital.

Lorsque je le vois lever son bras et se redresser péniblement, je mets doucement mes mains à plat sur son torse, sans exercer la moindre pression dessus cependant. « Non non, évite de bouger pour l'inst... » je m'arrête quand ses lèvres effleurent les miennes, un sourire se dessine sur mon visage bien moins livide qu'au cours des dernières heures. «  Je me suis peut-être un peu surestimé je crois.  » Vu les quelques couleurs rosées au niveau de mes pommettes, on dirait pas, du moins pas en ce qui concerne son effet. C'est peut-être parce que ça fait longtemps ? Ou que je craignais ne plus y avoir droit ? «  J'ai besoin que tu restes avec moi.  » J'embrasse à nouveau sa main et plonge mon regard dans le sien. « Ne nous disputons plus, Nam Sun. Je... »

Je peux pas dire que je suis mécontente d'être interrompue par la voix de Dan Il, sachant qu'on était sur le point de nous aventurer sur un terrain sensible. «  Comment veux-tu que je t'oublie hein ? Il en profiterait pour me remplacer, cet idiot.  » Je souris à Nam Sun, levant ensuite le regard vers le nouveau venu à qui la blague a aussi apporté une certaine détente. « Je suis pas inquiet, juste... déçu de pas avoir ma pizza alors que pour une fois, t'étais prêt à déverrouiller le cadenas sur ton porte-monnaie. » Il se courbe légèrement, surpris que son manager le prenne contre lui et se disant sûrement que le choc a été trop rude pour qu'il le câline volontairement. « Commence par te calmer Dan, respire. Je vais bien, merci d'être venu me voir aussi vite.  » Chaleureusement, il pose ses mains sur les épaules de Nam Sun, puis elles se déplacent sur ses bras et il l'aide à se rallonger. « Repose-toi quand même, tu... avant cet accident, je t'ai jamais vu allongé je crois. »

Il me salue enfin d'une inclination de la tête, puis à la vue des fleurs sur mes genoux, se redresse rapidement. « Vous avez sûrement des tas de choses à vous dire, je vais... je sais pas trop. Prends bien soin de mon bro en tout cas. Et toi Nam Sun, tu peux prendre autant de jours de congé que tu veux, tu le sais hein ? » C'est drôle, on dirait que c'est lui le supérieur de Nam Sun, et non pas l'inverse. De mon côté, je réponds par un sourire en inclinant la tête : « Te fais pas de soucis... » Puis quand la porte se referme, j'hausse un sourcil en souriant légèrement à Nam Sun : « Bro ? »

Je me doute que la réaction de sa mère sera... loin d'être pleine d'optimisme, mais je ne peux que la comprendre. Je souris, plus de morphine le transportera sans doute au septième ciel. « La solution la plus réfléchie serait de faire semblant de dormir, non ? » L'histoire du salon de massage a fait chuter Dan Il loin dans mon estime, mais je crois enfin comprendre pourquoi Nam Sun le considère comme un frère. « Tu l'auras ta pizza, je l'ai promis, oui ou non ?  » Mine de rien, il semble rassuré. « N'en profite pas pour regarder des cartoons toute la nuit ? Et laisse-la cuisiner pour toi, d'accord ? Le brûlé, ça n'est bon pour personne.  » Il hoche la tête : « D'accord, mais rétablis-toi vite, je sais pas combien de temps je vais tenir. » C'est qu'on peut pas lutter contre son caractère. Il lui souris tout aussi chaleureusement avant de partir, décidé à revenir avec un bouquet de fleurs s'ils gardent Nam Sun pendant quelques jours à l'hôpital.

«  Ne me demande pas, je ne sais pas. C'est ça façon de montrer qu'au final, il m'aime bien, j'imagine.  » Je souris, voyant très bien comment Nam Sun lui montre à son tour qu'il l'aime. En entendant une femme dire qu'elle ne peut plus attendre, puis de demander à l'infirmière de se tenir droite, je me tourne vers la porte. Sa mère trouve toujours le temps de tout commenter et de faire entendre son avis. «  Oh là, on va s'amuser, je le sens.  » Je le sens aussi et me dis que tout à coup l'anti-douleur aurait peut-être été efficace : dur d'être agacé quand on est dans le brouillard. « C'est pas facile pour moi non plus, la dernière fois que je les ai vus remonte à quand on leur a annoncé notre divorce. Et ils savent même pas que nous sommes ensemble, enfin ça doit pas les embêter, si ? Ils ont toujours souhaité de nous voir ensemble, même plus que nous-même. » je dis, souriante, en caressant légèrement sa main.

« Oh mon petit fils il est où ? Comment ça va ? Pourquoi t'as pas fait attention ? » Je grimace quand elle le prend dans ses bras, ses gros bijoux doivent lui défoncer la poitrine. Puis je me lève et m'incline pour les saluer, notamment son père qui l'évalue silencieusement du regard. Volontairement, je la laisse s'asseoir sur la chaise et reste debout à ses côtés, silencieuse, intimidée, et me demandant surtout quand on aura enfin un peu de temps pour nous deux.

« La solution la plus réfléchie serait de faire semblant de dormir, non ? » Je la regardais un court instant, pesant le pour et le contre de cette proposition, la trouvant franchement attrayante vu la tempête qui était sur le point de tonner au-dessus de nos têtes. De la mienne au moins. Mais bon, je vais me rendre à l'évidence : « Je ne sais pas mentir, ni jouer la comédie. Elle reste ma mère, ça ne marchera pas. » dis-je, las. Je lançai alors un regard réprobateur vers la perfusion qui était déjà presque vide. Si seulement elle pouvait encore me faire un peu d'effet, pensais-je en baissant aussitôt les yeux, sentant la migraine me rappeler qu'elle ne était toujours là, éveillée et prête à titiller mes nerfs déjà à vif.

Rien que l'idée de laisser Dan Il se débrouiller pendant un temps, alors qu'il ne savait toujours pas programmer le lancement automatique de son lave-vaisselle, m'inquiétait. Et de toute évidence, il était tout aussi inquiet que moi cet idiot. Alors quand il m'intima de me rétablir rapidement, je hochais la tête, le laissant filer. Je trouverai bien le moyen de lui parler un peu plus tard de toute façon. Là pour le moment, j'avais plus important à penser. Penser, toujours penser. Même quand je me faisais renverser j'étais encore obligé de savoir gérer mon entourage. Un long soupir fila entre mes lèvres, alors que je posais mes yeux sur Eun Hee, trouvant tout de même la force de lui sourire gentiment : « C'est pas facile pour moi non plus, la dernière fois que je les ai vus remonte à quand on leur a annoncé notre divorce. Et ils savent même pas que nous sommes ensemble, enfin ça doit pas les embêter, si ? Ils ont toujours souhaité de nous voir ensemble, même plus que nous-même. »

Je fis la grimace en entendant cela. « Mon père ne trouvera rien à redire à ça, c'est sûr, en ce qui concerne ma mère, ça risque peut-être d'être une autre histoire.  » Dis-je en passant doucement ma main dans mes cheveux. Cela faisait un petit moment qu'elle n'avait pas parlé à ma mère de toute évidence : depuis le divorce, cette dernière avait passé son temps à m'organiser des blind-dates avec les quelques femmes de nobles familles encore existantes. A croire qu'elle nous pensait encore à l'ère Joseon. Même mon père avait lâché l'affaire depuis le temps. Alors quand elle pénétra dans ma chambre, de manière très inopportune et discrète, comme d'habitude, je me pinçais les lèvres.

« Oh mon petit fils il est où ? Comment ça va ? Pourquoi t'as pas fait attention ? » Je n'eus pas le temps de répondre quoi que ce soit, trop occupé à essayer de respirer alors qu'elle était en train de me péter les côtes à nouveau, avec ses perle en bétons armé. « Maman, je saurai pas te dire pourquoi c'est arrivé. C'est juste... arrivé ? Mais ça irait beaucoup mieux si tu ne me..serrais pas si..fort ?  » Lui demandais-je en la tenant à distance par les épaules. Sérieusement, elle serait même capable de marcher sur mon tube à oxygène par mégarde si j'en avais un.

Elle prit mon visage au creux de ses mains, les yeux plein de larmes de crocodiles, et je soupirai. « Je te le dis Maman, ça va, vraiment.  » Mon père, lui, se contentait de s'enquérir de mon état d'un signe de tête compatissant. Ils finirent tout deux par remarquer la présence de Eun Hee. Ma mère la dévisagea : «  Puis-je savoir pourquoi êtes-vous là Mademoiselle ? C'est vous qui lui avez roulé dessus ? » J'écarquillais les yeux, surpris par tant de véhémence. Avec ça, Eun Hee allait très probablement remettre en question ce qu'elle avait assuré un peu plus tôt, c'était certain...

« Je ne sais pas mentir, ni jouer la comédie. Elle reste ma mère, ça ne marchera pas. » Eh oui... elles sont comme ça, les mères. Quand la top-référence en matière de bizarrerie s'en va, Nam Sun me fait comprendre que sa mère aura des choses à redire sur notre relation. J'aurais pas dû m'attendre à autre chose, elle prend ça pour son job après tout, et vu le grand décalage qu'il y a entre ce que nous vivons et comment nos proches croient que nous vivons, je peux pas être là sans que personne me pose de questions.

Alors que je me demande combien de temps la marque de ses bijoux restera imprimée sur la peau du jeune homme, il réussit à la faire reculer et à la calmer un peu, même. « Maman, je saurai pas te dire pourquoi c'est arrivé. C'est juste... arrivé ? Mais ça irait beaucoup mieux si tu ne me..serrais pas si..fort ? Je te le dis Maman, ça va, vraiment. » Tiens, ils sont mignons quand même. «  Puis-je savoir pourquoi êtes-vous là Mademoiselle ? C'est vous qui lui avez roulé dessus ? » Oui, et maintenant je suis venue implorer son pardon, me trouvant trop jeune pour finir au cachot ou accepter une vie de cavale. C'est ce que j'aurais dit si ma franchise sans pudeur et mon sarcasme s'étaient pas barrés, respect pour la femme qui m'a permis de le connaitre oblige. J'accueille l'interrogation en jetant un coup d'oeil à Nam Sun, sentant les trois regards braqués sur moi. Il doit déjà avoir mal au crâne, si bien que j'ose pas lui balancer la patate chaude.

« Non, bien sûr que non. Pour être parfaitement honnête, je suis là parce que je m'inquiète. » dis-je en prenant la main de Nam Sun dans la mienne, un geste vaut mille mots comme on dit. Elle semble comprendre, et face à son regard dur, j'ajoute : « ... ma-maman. » «  Et vous comptiez me le dire quand ? » Heureusement que son mari coupe court à ses interrogations : « Laisse-les tranquilles, ce n'est ni le moment, ni l'endroit. » Pendant qu'elle lui explique qu'il n'y a rien de plus naturel pour une mère que de vouloir savoir, j'ose intervenir : « Tout va bien dans notre relation, ce n'est plus comme avant, ne vous faites pas de soucis... » mais j'ai pas l'impression d'être entendue, je me tourne vers Nam Sun et redemande d'une voix plus calme et moins assurée : « Tout va bien, n'est-ce pas ? »

Je savais qu'elle n'allait pas lancer des confettis en apprenant la nouvelle, mais il ne vient pas de lui annoncer qu'il a des sentiments pour la traînée du coin, pas besoin de me regarder comme elle le fait. La relation n'a juste pas fini en l'eau de boudin, en quoi c'est grave ? Je suis leur débat d'une seule oreille, secouant la tête intérieurement. Bien que capable de la comprendre, je lui décernerais pas le prix de la Meilleure Maman du Monde. « J'en suis pas certain, alors je vais pas te mentir. Tout ce que je peux te dire, c'est que tout ira bien, quoi qu'il arrive. D'accord ?  » Il a raison, c'est pas le moment d'être bombardée par des insécurités concernant notre relation. En les regardant, je me rends compte qu'on est juste un couple qui veut être tranquille, notre vie nous plait à nous, c'est pas si important qu'elle leur convienne. « Oui, certainement. » Faire des efforts et espérer que cette belle relation aura pas de date de péremption, c'est tout ce qu'on peut faire.

Je me suis jamais sentie si reconnaissante envers une infirmière. Quand elle les fait sortir, je soupire et reprends ma place sur la chaise sans quitter sa main. « Tu vois, on a évité le pire pour le moment, et quand j'irai mieux, j'irai leur parler et mettre les choses au clair, comme ça, au prochain repas de famille, on aura pas besoin de mettre tout les couteaux dans le débarras.  » Je souris, certaine que l'attention sera reportée sur autre chose du coup. « C'est bien, ça nous laissera le temps de leur expliquer pourquoi la famille ne va pas s'agrandir tout de suite. » Je vois déjà ma mère me filer l'adresse d'un herboriste chinois pour accélérer les choses, après avoir fait diverses allusions sur sa volonté d'avoir un petit enfant qui ressemble à Nam Sun. Plein de petits enfants, en fait.

« Je viendrai avec toi. » J'ai encore plein de choses à lui dire, à commencer par le fait qu'il ne devrait vraiment pas s'inquiéter à cause de Hae Myung. "C'est vrai que je l'aime beaucoup, mais il n'est pas... toi, Nam Sun". J'appuie la tête contre le mur, sa main dans la mienne, préférant garder ça pour une prochaine fois. Puis je ferme les yeux à mon tour, fatiguée, notre dernière nuit complète à tous les deux remonte à longtemps.